Texte écrit par Benoit Simard, md
Voyageur sur Les Routes du Monde en 2010
Pourquoi dit-on : je suis allé « Aux Indes » plutôt que « en Inde » ? Voilà une expression incorrecte mais qui reflète bien la réalité : il y a plusieurs facettes à l’Inde d’où « Les Indes ». L’Inde du nord, l’Inde du Sud, l’Inde des Maharajahs, l’Inde de l’Himalaya, l’Inde du désert, des riches, des villes, des gitans, des mendiants, l’Inde sacrée, l’Inde des animaux, l’Inde des Tibétains déracinés, l’Inde des bijoux, des épices, etc. etc..
Et oui, moi qui avais juré de ne jamais y mettre les pieds, « because » la pauvreté, la misère, Mère Térésa, et pourtant la découverte de ce pays mythique et de son Taj Mahal ont eu raison de mes raisons et j’en suis heureux !
J’essaie depuis notre retour, après 5 semaines de découvertes, de décrire l’Inde et je n’y arrive toujours pas : C’est quoi l’Inde ? C’est comment ? J’ai l’impression de n’avoir qu’effleuré ce pays immense, son milliard de population, ses 1000 dialectes, ses milliers de dieux et déesses, ses saveurs épicées en tout genre.
A priori, le premier mot qui me vient en tête : « Le bordel ». Et oui, bordel de la circulation, bordel de la saleté des rues, bordel des odeurs, des couleurs, des vaches, de la poussière et pourtant « ça marche » ! Les hôtels fonctionnent, la nourriture excellente, les gens chauds et froids, les prix des plus abordables, les cartes de crédit d’aucune valeur (il faut payer comptant), le papier de toilette… une denrée rare, les femmes sont belles, fières, pudiques, les étudiants costumés, la circulation du « criard » à volonté, moines quêteurs avec cellulaire à la main : un monde en devenir, émergeant, dit-on, une éducation sanitaire à raffiner, l’internet partout, les « ATM » à chaque 3 portes, des vaches à tous les 10 à 12 pas, les routes correctes : tout va !!!
Je disais, la femme belle et fière : bijoutée, colorée et ornée de la tête aux pieds avec bagues, boucles, colliers, bracelets, chaînes, au front, nez, oreilles, lèvres, cou, taille, poignets, doigts, chevilles, orteils, le tout vêtu de châles, foulards, saris de toutes teintes, couleurs, tissus, etc. La femme en sari multicolore est de tous les travaux, que ce soit domestiques, voirie, circulation, échoppe, aux champs, pendant que beaucoup d’hommes semblent s’amuser, se reposer, discuter, dormir, vendre, prier. La femme, elle, traîne son petit au boulot, fait son marché, son lavage ou transporte de l’eau, allaite son dernier né au pays de la sandale et du va-nu-pied.
L’Inde, c’est aussi la « Fête » : fêtes religieuses, fête anniversaire, fête des couleurs, fête de remerciement, fête des prières. Il y a tellement de dieux que chaque semaine est l’occasion de fêter, chanter, célébrer. Même les camions sont en fête : colorés, dessinés, peinturés, décorés de pendentifs, breloques, chaînes, pompons : tout sert à orner un 10 roues; inimaginable et ils sont des milliers sur les routes.
La circulation : La folie furieuse et débridée ! Ne vous risquez pas à y conduire : les indications sont inexistantes, les lignes blanches sont inutiles, les priorités ne sont pas encore arrivées, le bruit des klaxons est infernal mais codifié et significatif, les trains bien organisés et un monde fou partout. Le métro à Delhi déborde mais les transports publics semblent adéquats.
Les villes : Les grosses, très polluées et la propreté n’est pas encore une priorité partout. Les vaches sont chez elles, cyclo-pousses, motos, rickshaws, autos, vélos, autobus, âne, cheval, dromadaire, éléphant, piéton, taxi, tout le monde en même temps, partout et au « plus fort la poche ». Très peu d’accidents dans cet imbroglio presque incroyable. Je me demande parfois laquelle de la vie humaine ou animale a la priorité.
La campagne : Douce, colorée par les champs de moutarde (pour l’huile), des rhododendrons géants, de canne à sucre, les arbres en fleurs, des paysannes drapées de couleurs vives, des roseraies immenses, des porteuses d’eau partout, des dromadaires géants tirant leur charge de pierres, des singes fouineurs, des puits ici et là. Une belle nature parsemée de maisonnettes souvent délabrées et de bœufs à grandes cornes. Tout ce monde semble heureux.
Côté alimentaire : Excellente, cuisine végétarienne en grande partie. Aucun bœuf, question de vache sacrée. Ici, la chèvre s’appelle « mutton » sur le menu. Les épices plus douces que prévues et on s’y fait rapidement en faisant un peu attention. Très peu de vin pour ne pas dire aucun et leurs prix exorbitants. Par contre, la bière excellente et les pains nans à nous rendre jaloux. Certaines villes ou régions sont carrément végétariennes par respect pour la vie animale sous toutes ses formes, y compris, par endroit, les œufs qui pourraient être fécondés, donc exclus du menu. Beaucoup de légumineuses, de lentilles, d’aubergines, de choux-fleurs, de melons juteux, d’oranges et de bananes. Plusieurs restaurants servent du chinois et de l’italien en plus de la cuisine indienne. Les desserts, présents mais peu élaborés. Comme dans tous pays chauds, eau embouteillée et fruits pelables obligatoires et oubliez lait, fromage, salade et crème glacée.
Pour un occidental, a priori, nous ne sentons pas le système des castes qui peut exister dans cette Inde en évolution mais il semble bien que la tradition, les classes sociales, les privilèges, les faveurs, les métiers, les connaissances, les noms de famille, les descendants de…. ont encore beaucoup d’importance et de signification selon notre guide. Il y aurait, semble-t-il, beaucoup de corruption mais en tant que touriste, la pauvreté nous apparaît plus importante que le reste des passe-droits monnayables. Des voleurs, des pic-pockets ? Pas vus, pas rencontrés. Des mendiants, un peu plus qu’ailleurs, surtout en ville : donnez-leur une banane plutôt que des roupies, sinon attroupement garanti. Les enfants, beaux, souriants, photogéniques.
J’allais oublier de mentionner l’existence si frappante des adeptes de la religion : les moines, nombreux, rasés, partout, du temple à la rue, du monastère à la montagne. Des musulmans, un peu partout mais discrets. Ne pas voir les « babas » ou « sadhus » serait leur faire insulte : ces hommes nus ou presque, déambulants nonchalants avec bijoux, breloques, chevelure et barbe jamais coupées contrastants par leur désinvolture avec le reste de la population. C’est le pays des yogis, des gourous, de la méditation, des ashrams, des pèlerins solitaires, du bouddhisme tolérant et du bain purificateur dans le Gange Sacré.
Partout, surtout en région, turbans multicolores, éblouissants, immenses et fièrement portés. Les ados arborent t-shirts et espadrilles en bons internautes qu’ils sont. Les filles, plus traditionnelles du point de vue vestimentaire, du moins à la campagne et surtout une fois mariées.
Je n’ai pas mentionné les paysages fantastiques de l’Himalaya, les châteaux et forts du Rajasthan, le soleil présent à plein temps, cette chaleur sèche et torride du désert, cette verdure des campagnes, les cours d’eau desséchés, les troupeaux de chèvres, moutons, chameaux, les singes voleurs, l’air conditionnée des voitures et hôtels, les guides chaleureux et la musique douce.
L’Inde, un pays de contrastes, de mystères, de découvertes que nous n’avons qu’entrevu. Un pays immense, tolérant, un pays en évolution, un pays de traditions.
N’hésitez pas, partez-y voir.